La «netflixisation» de la Grande Boucle n'est pas sans conséquences.
Dans mon esprit, le Tour de France est d'abord un souvenir sonore, la bande-son des interminables étés de l'enfance. Des voix sans visages qui prononcent des noms inconnus: Armstrong, Voeckler, Cancellara… Quand elles se taisent, elles laissent la place au bruit des pales d'hélicoptères et aux cris des badauds venus encourager les coureurs sur le bord de la route.
Moi, j'ai 9 ans et je m'ennuie ferme devant la seule télé de la maison de vacances, accaparée par mon père. Je regarde ces hommes pédaler pendant trois semaines en me demandant ce qui peut bien intéresser les adultes dans cette course où il ne se passe rien. La preuve: mon père somnole devant chaque étape.
Ce désintérêt va croissant au fur et à mesure que je grandis. Mes proches passent leur mois de juillet devant le Tour et moi je m'interroge toujours: qu'est-ce qui pousse des centaines de millions (voire des milliards, on n'est pas bien sûr) de téléspectateurs à regarder cette compétition sportive interminable? Je ne vois que des dizaines de maigrichons transpirer dans des tenues en lycra peu seyantes, pour un but que je ne suis pas bien sûre de saisir.
Le seul intérêt que j'y trouve, ce sont les quelques chutes impressionnantes et blessures sanguinolentes qui ont la qualité d'être compréhensibles par tout le monde. Une jambe qui saigne ou un vélo qui vole, ça fait toujours son petit effet.
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